A la recherche de lueurs dans l'obscurité

BONEWORKS: la réalité virtuelle et les dangers du gnosticisme technologique

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Avertissement : cet article contient des spoilers pour les jeux BONEWORKS et Duck Season.

Nous vivons dans un monde où les gens sont de plus en plus déconnectés les uns des autres. Les médias sociaux forcent les gens à interagir dans un espace virtuel, la crise du COVID-19 a encré cette séparation dans le monde réel, et pendant ce temps-là, la réalité virtuelle continue à gagner en popularité.

S’il y a une chose que j’ai apprise à travers les évènements de ces dernières années, c’est l’importance de participer à une vie en communauté dans le monde réel. Il ne m’aura fallu assister qu’à quelques messes en ligne pour m’en rendre compte. Dès lors, a réalité virtuelle devrait être le dernier endroit où je devrais passer mon temps. Et pourtant, le geek en moi reste persuadé que ce nouveau médium a la capacité de nous faire vivre des histoires enrichissantes d’une manière complètement inédite.

BONEWORKS du studio Stress Level Zero en est un excellent exemple, au même titre que Metal Gear Solid 2 en son temps. En 2001, son réalisateur, Hideo Kojima, a repoussé les limites de la narration vidéoludique pour vous amener à nous interroger sur la nature de votre relation aux jeux vidéo et à la réalité elle-même. Le jeu faisait usage de la philosophie postmoderne et des techniques narratives astucieuses pour vous forcer à vous demander ce que vous cherchiez à accomplir en appuyant sur les boutons de votre manette. L’immersion offerte par la réalité virtuelle permet maintenant de pousser cette logique encore plus loin.

Avertissement : cet article est avant tout mon interprétation de BONEWORKS. Mon but premier était de démontrer la cohérence de l’univers du jeu, plutôt que d’être aussi précis que possible par rapport aux détails de son histoire. Il se peut donc que j’aie déformé certains aspects du récit. Les auteurs de BONEWORKS eux-mêmes se demanderaient probablement comment j’en suis arrivé à tirer ces conclusions après avoir joué à leur jeu. Mais c’est la marque d’un chef d’oeuvre que de permettre de tels exercices d’interprétation.

Les meilleurs (et en même temps les pires) aspects de la réalité virtuelle

Commençons par parler de mon expérience personnelle avec BONEWORKS, qui m’a été initialement plutôt désagréable. J’ai pas mal d’heures en VR à mon actif et je me suis rarement senti mal en jouant à des jeux VR si ce n’est lors de mes premières heures sur le support. Et pourtant, les premières heures dans ce jeu ont été un cauchemar: nausées, transpiration, vertiges, c’était tellement horrible que j’ai presque fini par lâcher l’affaire. Mais étant un peu masochiste, je me suis forcé à continuer, et je ne regrette pas de l’avoir fait.

Une rapide recherche sur Google me montrera que j’étais loin d’être le seul à avoir des nausées en jouant à BONEWORKS. Cependant les joueurs (et les développeurs) n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la cause exacte de celle-ci. Certains diront que c’est l’impression d’être sur un rail lors de vos déplacements, d’autres que c’est parce que votre corps entier est visible dans le jeu, contrairement à la plupart des jeux VR où vous ne verrez que des mains flottantes. Ma théorie est que le jeu est juste un peu trop réaliste. L’un des objectifs des développeurs était de transposer autant de mécanismes de la vie réelle que possible dans le monde de BONEWORKS : il vous est possible d’interagir avec la quasi-totalité des objets de votre environnement. Vous pouvez ainsi la possibilité de casser des bouteilles, de manipuler des armes exactement comme vous le feriez dans la réalité, et d’empiler des caisses pour atteindre certains endroits qui à première vue semblent inaccessibles. Le jeu vous encourage utiliser toutes ces mécaniques pour résoudre les puzzles qui vont sont présentés.

Un exemple du moteur physique et de l’interactivité incroyablement réalistes de BONEWORKS

Cela est extrêmement bien fait, peut-être même trop, au point de semer la confusion dans votre perception. Les nausées deviennent particulièrement intenses lorsque vous vous retrouvez coincé dans le jeu alors que votre corps réel ne ressent rien. Alors que d’autres jeux VR tentent de simplifier les interactions afin de privilégier l’accessibilité et l’amusement, BONEWORKS s’efforce de les garder aussi complexes et réalistes que possible. L’inconvénient, c’est que les commandes peuvent parfois sembler un peu pataudes et maladroites. Votre corps dans le jeu se retrouve parfois bloqué dans l’environnement exactement comme cela arriverait dans la réalité.

Pour cette raison, il m’a fallu quelques heures de jeu avant de commencer à trouver mes marques et à réellement prendre du plaisir. J’ai également rapidement été captivé par l’histoire du jeu et ce malgré le fait qu’une certaine attention aux détails est demandée au joueur. Le jeu maintient délibérément une aura de mystère et compte sur les joueurs (oui, au pluriel) pour déchiffrer ce qui se passe. Malheureusement, bon nombre des aspects de son histoire intriquée me sont complètement passé au dessus de la tête. Alors le jeu offre une expérience globalement agréable, c’est dans les analyses vidéo son histoire que la majorité du fun se situe.

BONEWORKS réussit à vous attirer dans son univers paradoxalement fascinant et effrayant, son atmosphère étant favorisée par le réalisme de son moteur physique et le niveau d’immersion élevé offert par la réalité virtuelle. Malgré la frustration causée par les nausées et les commandes parfois fastidieuses, je voulais en savoir plus.

Que se passe-t-il si on meurt dans le Metaverse ?

Il est assez surprenant de voir un jeu comme BONEWORKS susciter autant d’enthousiasme, étant donné qu’il s’agit d’un genre de niche sur la plateforme de niche qu’est la réalité virtuelle. Après tout, les créateurs du jeu eux-mêmes annoncent que le jeu est « réservé aux joueurs VR expérimentés ». Je pense que le fait que le jeu a rapidement acquis un statut culte est largement dû au zeitgeist dans lequel nous nous trouvons. Le jeu vous présente un monde dans lequel il est possible d’uploader votre conscience dans un monde virtuel via un casque de réalité virtuelle.

Cela vous dit quelque chose? C’est plus ou moins ce que Facebook (pardon, Meta) est en train de développer en ce moment même avec son Metaverse. Bien qu’il s’agisse toujours d’un monde que l’on voit à travers une paire de lunettes VR, Mark Zuckerberg ne serait certainement pas contre le fait de vous immerger autant que possible. Tant que la technologie le permettra, il n’y verra certainement aucun inconvénient. Et bien sûr, BONEWORKS ne serait pas une histoire de science-fiction digne de ce nom si elle n’essayait pas de vous montrer comment ce projet pourrait virer à la catastrophe.

Le monde de BONEWORKS est extrêmement complexe, je vais donc essayer de le simplifier au maximum pour les besoins de cet article. Le jeu se déroule dans une réalité alternative à la nôtre, les avancées technologiques reflètent plus ou moins celles de notre époque, si ce n’est à un détail près: leur technologie VR est nettement plus avancée.

Lorsque vous mettez le casque, votre conscience est transportée dans une autre réalité qui vous semble totalement réel. Les scientifiques et les développeurs trouvent un moyen d’exploiter l’environnement et de construire un espace sûr pour les humains (ou les consciences humaines) à l’intérieur de celui-ci. Et cette construction ne se fait pas de manière abstraite, de véritables androïdes à l’intelligence artificielle primitive judicieusement appelés les NullMen (grossièrement traduit « hommes qui ne sont rien ») sont nécessaires pour construire le monde contenu dans cet espace. Pour ce faire, des matériaux de notre monde peuvent être transférés vers cette réalité alternative. Chaque personne qui entre dans cet environnement virtuel a également besoin d’un corps pour pouvoir y naviguer en toute sécurité.

Exemple de Nullman

Cet espace viable est nommé MythOS et est en fait l’équivalent du Metaverse dans le jeu. L’espace (ou plutôt le vide) à l’extérieur de MythOS est chaotique et blessera à votre personnage s’il entre en contact avec celui-ci. Cet espace est également judicieusement appelé The Void (en français « Le Vide »).

Vous incarnez Arthur Ford, le directeur de la sécurité d’une des entreprises qui a réussi créer un environnement habitable dans le Vide. Naturellement, un certain nombre de protocoles de sécurité ont été mis en place pour que l’environnement VR appelé MythOS soit sûr pour ses utilisateurs. Par exemple, si vous y mourez, vous serez ressuscité comme dans n’importe quel jeu vidéo.

La question qui est posée par le personnage principal du jeu est la suivante: que se passe-t-il si vous parvenez à mourir en dehors de l’espace sécurisé de MythOS ? Le personnage principal du jeu pense que cela lui permettrait d’atteindre l’immortalité et de se libérer définitivement des contraintes de son corps virtuel et de son corps réel.

Ce n’était pas du vrai gnosticisme

S’échapper de ce corps et de ce plan d’existence sale était le rêve des gnostiques d’antan, et c’est le rêve des gnostiques contemporains comme Yuval Noah Harari. Ceux-ci pensent que la technologie nous fournira un moyen de nous libérer de notre corps, qu’ils considèrent comme une prison limitant notre potentiel. Arthur Ford pense lui aussi que c’est une idée génial et (attention, gros spoiler!) il atteint en fait son but. Il il n’y a pas de doute qu’Harari et les autres gnostiques de notre temps verraient cela comme une fin heureuse. Dans la scène finale, vous observez votre personnage dans le monde réel se prendre une balle dans la tête alors que vous ne perdez pas connaissance dans le Vide. Si vous ne prêtez pas trop attention à l’histoire du jeu ou au sens des signes qui vous sont présentés en cours de route, vous pourriez voir le triomphe du personnage principal comme quelque chose de positif.

Votre progression dans MythOS sera entravée par de multiples obstacles, qu’ils proviennent de l’environnement lui-même ou d’une sorte de police qui vous voit comme une entité étrangère à éliminer, autrement dit un virus. Vous trouverez également divers messages décousus sur les murs. L’origine de ces messages est obscure. L’un d’eux semble provenir d’autres versions d’Arthur Ford lui-même qui sont conscients que d’autres itérations d’eux-mêmes vont emprunter le même chemin. Certaines versions l’encouragent à continuer et lui fournissent des indices utiles, d’autres le supplient de s’arrêter là. D’autres messages semblent insensés, pleins de désespoir ou malveillants. Et enfin, il y a aussi des messages bienveillants et utiles qui tentent sincèrement d’aider Arthur, signés par un mystérieux personnage nommé |X|.

Un aperçu des messages sur les murs

En cours de route, vous rencontrerez également de nombreuses versions de vous-même. Les « meilleures » versions sont des Ford qui ont apparemment passé tellement de temps piégés dans MythOS qu’ils ont oublié qui ils étaient. Ils sont soit muets, soit répètent tout le temps les mêmes phrases, mais ils ne sont pas menaçants et tenteront même parfois de vous aider. Les « pires » versions sont des zombies qui tenteront de vous attaquer à vue.

Les scénaristes ont réussi à maintenir une certaine neutralité dans l’histoire. La signification de ces messages ou des itérations de vous-même que vous rencontrez dépend entièrement du joueur. Certaines personnes (moi par exemple) verront les messages malveillants et les versions zombies du personnage comme des avertissements. Ils signifient qu’Arthur Ford (et vous, le joueur) devriez quitter le jeu. Et d’autres pourraient interpréter les messages et les autres versions d’Arthur Ford comme une ruse du système MythOS. Si cela est leur façon de voir les choses, ce ne serait pas difficile pour eux de voir les Ford zombies comme un petit prix à payer pour atteindre l’immortalité. Cela m’a rappelé le film Le Prestige dans lequel (attention à nouveau, gros spoiler!) le personnage de Hugh Jackman se duplique pour un tour de magie, sachant que son clone finira noyé dans un réservoir d’eau.

D’un point de vue purement matérialiste, il n’y aurait rien de mal à ce que votre conscience vive éternellement dans un environnement réimmiscent de la série The Matrix. Pour beaucoup, il s’agirait d’une alternative raisonnable à la vie sur terre jusqu’à ce que votre corps n’expire et vous soyez condamné au néant éternel. Le monde de BONEWORKS vous encourage à votre le monde à travers ces lunettes scientistes et matérialistes.

Les différentes zones du jeu ont généralement l’aspect futuriste froid et gris que l’on retrouve dans les dystopies de science-fiction. Votre environnement se présente comme une pilule amère à avaler pour pouvoir atteindre un plan d’existence meilleur. Au mieux, vous pouvez réussir à devenir ce dieu sans limites, et au pire, vous mourrez. Pour un matérialiste, il n’y a pas de 3ème option.

Mise en contact avec des démons via la technologie

Et s’il y avait une autre possibilité que ces deux options? Et si, de l’autre côté de cette prouesse technologique gnostique, un enfer et une éternité de souffrance vous attendaient? Malgré ses apparences scientistes, le jeu sous-entend et vous done des indices que cela pourrait être le cas. Les avertissements écrits sur les murs font bien entendu partie de ces indices, si vous ne les considérez pas comme un piège du système. Mais il y en a d’autres. Si vous êtes attentif pendant votre progression, vous pourriez remarquer des sortes de formes humaines translucides qui disparaissent si vous essayez de vous approcher d’elles. Celles-ci sont difficiles à cerner jusqu’à ce que vous atteigniez la scène finale du jeu. Au cours de celle-ci, vous pourrez voir le corps physique d’Arthur Ford mourir dans le monde réel. Au même moment, plusieurs de ces entités apparaitront dans la pièce, et vous pouvez les voir se contorsionner, comme si elles souffraient intensément. La communauté BONEWORKS a émis l’hypothèse que ces entités sont les Ford qui ont « réussi ». Ils essayent désormais désespérément de vous avertir, vous et les autres Ford, de ne pas commettre la même erreur qu’eux.

Et si la réalité alternative présente dans BONEWORKS n’était pas qu’un amas de matière à réorganiser à notre guise comme nous l’avons fait de ce monde? Après tout, cela reste la vision du monde dominante en Occident à ce jour, même si elle a commencé à s’effriter. Et si, sur cet autre plan d’existence, il y avait des entités invisibles (pour nous) dotées d’une volonté propre? Ce n’est heureusement pas que de la spéculation de ma part. BONEWORKS n’est pas le seul jeu qui se déroule dans l’univers créé par le développeur Stress Level Zero. Dans son autre jeu VR sorti en 2017, Duck Season, vous pouvez voir que la technologie VR de cet univers présente des dangers qui vont au delà du monde matériel.

Pour résumer l’intrigue de Duck Season, vous êtes un enfant des années 80 qui reçoit pour son anniversaire un jeu vidéo VR appelé Duck Season. C’est l’équivalent dans ce monde du jeu Duck Hunt qui est sorti sur la console NES en 1984. La différence ici est qu’il utilise cette technologie ultra-immersive, de sorte que l’enfant ne se contente pas de pointer une arme vers la télévision, il entre réellement dans le monde, qui, comme MythOS, a été construit en créant un espace contenu viable dans le Void. Ainsi, une soirée de jeu vidéo se transforme rapidement en récit digne d’un film d’horreur lorsque l’un des personnages du jeu, une personne en costume en chien, pénètre dans la réalité de l’enfant et assassine brutalement ses parents.

Une des créatures démoniaques de Duck Season

Les auteurs de Stress Level Zero appellent les créatures comme cette personne déguisé en chien des « cryptides ». Dans notre monde, les cryptiques désignent ces créatures souvent observées dans la nature, dont l’existence ne peut être prouvée scientifiquement. Comme exemples célèbres, nous pouvons citer Bigfoot, Yeti et le monstre du Loch Ness. Le chien n’est pas le seul cryptique dans Duck Season, il y a également une marionnette de singe et une horloge en forme de chat. Chacune de ces entités a de mauvaises intentions à l’égard des humains qui entre en contact avec elles. Vous les trouvez dans une pièce secrète du jeu et les envoyez accidentellement dans une autre réalité, chacune d’entre elles étant un autre jeu de Stress Level Zero. Nous voyons donc cette interconnexion entre différents mondes, avec des entités qui peuvent passer d’un plan de la réalité à un autre, mais seulement grâce à l’aide d’un être humain.

Révolution humaine

Avec cela en tête, il est clair que la quête d’Arthur Ford implique bien plus qu’arriver à ce que les futuristes comme Yuval Harari perçoivent comme la prochaine étape de l’évolution darwinienne. Les personnes athées et plus du côté « progressiste » du spectrum politique misent vraiment sur l’idée que la poursuite d’une telle entreprise n’a aucune implication morale. Les notions de bien et de mal sont hors sujet et perçues comme d’anciennes superstitions destinées à empêcher les humains d’atteindre leur véritable potentiel en fusionnant avec la technologie. Les objections et les avertissements des personnes religieuses sont vues comme suspects. A leurs yeux, ils ne sont que des ruses pour empêcher les humains d’aller vers la libération, ne faisant que retarder une évolution, ou plutôt une révolution qu’ils pensent inévitable.

En parlant de révolution, le jeu offre une image (et une expérience) presque parfaite de l’égoïsme et de l’autodestruction de la quête de Ford. A un moment, vous arriverez à une partie cachée de MythOS qui était encore en développement et prend place dans un royaume médiéval appelé Fantasy Land. Dans ce royaume, les gens sont tous des clones d’Arthur Ford qui ont oublié qui ils étaient et gouvernés par un roi qui est lui aussi une autre version de Ford. Pour progresser vers le Vide, où vous pourrez enfin atteindre l' »immortalité », vous devez tuer le roi des Ford à mains nues. Le combat se déroule dans une sorte de bâtiment hybride chateau-église dans lequel vous voyez des vitraux représentant Ford en tant que prophète, en tant que guerrier et même en tant que messie de Fantasy Land.

C’est là que la réalité virtuelle rend l’expérience particulièrement intense et viscérale. Je vous rappelle que le jeu est extrêmement réaliste. Vous voilà donc à battre à mort une autre version de vous-même avec tous les objets qui vous tombent sous la main. Vous voyez votre double se couvrir de bleus et de sang alors qu’il vous rit au nez et les autres clones de vous-même regardent la scène. Si le fait de participer à cette scène ne vous met pas un petit peu mal à l’aise, il est possible que vous soyez un psychopathe. Une fois le roi battu à mort, vous pourrez ramasser sa couronne et la mettre sur votre tête. Une fois cela fait, vous entendez un « ta da! ». Le tout est absolument absurde et ridicule.

Arthur Ford en duel avec la version « roi » de lui-même. Au dessus des portes à l’arrière plan, on peut lire: « Salut éternel » et « Damnation certaine ».

Cette imagerie rappelle le rappeur Lil Nas X dans son clip musical Montero, où il apparaît dans un monde rempli de clones de lui-même et finit par tuer le diable pour lui voler ses cornes et se couronner avec celles-ci. Dans cet article, le symboliste Jonathan Pageau montre à quel point cet acte est archétypal, d’Adam et Eve prenant le fruit de la connaissance du bien et du mal, à Napoléon se couronnant lui-même, jusqu’à Lil Nas X se délectant de cet acte d’auto-glorification ultime. Ford est un autre exemple du même acte révolutionnaire contre l’ordre naturel des choses.

Comme dans toute révolution, un bain de sang s’ensuit inévitablement alors que Ford progresse vers son objectif d’immortalité. La souffrance causée en cours de route ne semble pas le déranger, tout comme le personnage de Hugh Jackman n’est pas dérangé par ses clones noyés. Ces évènements leur apparaissent comme des sacrifices nécessaires.

Pendant tout ce temps, le jeu ne cesse de vous rappeler de vous arrêter avec ses messages d’avertissement sur les murs. Certains semblant s’adresser directement au joueur, comme Metal Gear Solid 2 le faisait en 2001. Le jeu veut que vous vous sentiez complice de ce qui arrive à Arthur Ford. Et bien entendu, votre curiosité vous poussera à continuer.

Conclusion

Une fois la scène finale bouclée, vous ne ressentirez aucun sentiment de triomphe. La fin du jeu est en quelque sorte l’antithèse d’Aragorn couronné par Gandalf (et non par lui-même) à la fin du Retour du Roi. Il n’y avait aucune raison de se réjouir, tout ce que je ressentais était un malaise et de la confusion. Et en ce sens, on peut se dire que BONEWORKS a accompli sa mission: présenter un récit édifiant et vous faire participer à celui-ci directement grâce à la réalité virtuelle.

Les leçons offertes par BONEWORKS sont les suivantes: n’essayez pas d’échapper à la réalité en utilisant la réalité virtuelle, alors que vous le joueur utilisez cette même technologie pour échapper à la réalité. Car il se pourrait que vous entriez en contact avec des entités maléfiques qui vous mèneront sur une pente dangereuse, infligeant des souffrances infinies à des versions apparemment infinies de vous-même. Vous deviendrez soit un roi solitaire d’un royaume imaginaire, soit une entité translucide coincée entre deux niveaux de réalité. Ford, à travers vous le joueur, se condamne lui-même à l’enfer et n’arrive pas à empêcher les autres versions de lui-même de faire de même. Depuis l’enfer, il les exhorte à se repentir et à se détourner du chemin qui les mènera au même endroit. En vain.

Cependant, tout n’est pas noir, puisqu’il y a toujours les messages sur le mur signés par ce mystérieux personnage |X| qui semble sincèrement vouloir le bien d’Arthur Ford et ce peu importe votre niveau de progression dans le jeu. Si vous me demandez ce que ce personnage représente, je vous pointerai vers la bannière de ce site.

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